Discours du président serbe à la session du Conseil de sécurité de l'ONU

09. juin 2021.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, membres des Délégations,

Dans mon intervention, je relèverai quelques questions d'actualité concernant la compétence du Mécanisme, à savoir la possibilité de purger des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles pour les Tribunaux pénaux en République de Serbie, la pratique actuelle d’empêcher le relâchement anticipé des condamnés, ainsi que les obligations du Mécanisme en matière de protection des personnes condamnées.

La deuxième partie de l’intervention sera consacrée aux questions soulevées par le Rapport semestriel sur les travaux du Mécanisme - le Président du Mécanisme, M. Agius et le rapport du Procureur M. Serge Brammertz, notamment en ce qui concerne la coopération actuelle de la République de Serbie avec le Mécanisme.

La troisième partie de mon discours, et je l’ai remarqué dans nombre de vos déclarations même aujourd'hui, sera le point de vue de la Serbie sur tout ce qui s'est passé au Tribunal de La Haye et sur ce que les verdicts ont apporté aux gens dans l’espace de l'ex-Yougoslavie.

La République de Serbie a soulevé à plusieurs reprises devant le Conseil de sécurité la question de la possibilité de purger les peines prononcées par le TPIY et le Mécanisme en République de Serbie. Malgré les efforts déployés pour sortir la question de l'impasse, aucune réponse du Conseil de sécurité n'a été reçue. Le plus grand nombre de personnes purgeant une peine de prison sont des citoyens de la République de Serbie, et il est naturel que la République de Serbie souhaite obtenir l'exécution d'une peine de prison en République de Serbie.

Le TPIY et le Mécanisme renvoient au Conseil de sécurité, en tant qu'institution compétente, pour traiter cette question.

Je suis prêt à réaffirmer ici la volonté de la République de Serbie d'assumer l'obligation et la responsabilité de l'exécution des peines de prison infligées par le TPIY ou le Mécanisme aux citoyens de la République de Serbie sous la surveillance du Mécanisme et dans le plein respect de l'autorité du Mécanisme en matière de libération anticipée.

Monsieur le Président,

Un problème particulier auquel nous sommes confrontés est le harcèlement exercé par les institutions judiciaires formées sur le territoire du Kosovo et Metohija, qui fait partie de la Serbie et qui est sous l'administration temporaire de l'ONU. On assiste à une tentative de juger à nouveau deux citoyens qui purgent une peine de prison pour des faits pour lesquels ils ont déjà été jugés devant le TPIY. Concrètement, au cours de la période passée, une tentative a été faite pour interroger Nebojša Pavković et obtenir l'extradition de Vlastimir Đorđević.

Je fais appel au Mécanisme et au Conseil de sécurité d’empêcher les tentatives de violation du principe ne bis in idem, principe de civilisation consacré à l'article 7 (1) du Statut du Mécanisme, et d’empêcher de nouveaux procès des personnes déjà condamnées par le TPIY, et en particulier assurer que ceci ne se fasse pas sur le territoire administré temporairement par l'ONU.

Monsieur le Président,

 

 

En plus du rapport régulier, le Président du Mécanisme (M. Carmel Agius) a soumis une lettre au Président du Conseil de sécurité le 11 mai 2021, dont l’objet est l’omission présumée de la Serbie d’arrêter et d’extrader au Mécanisme Petar Jojić et Vjerica Radeta, accusés d'outrage au tribunal, affirmant que la République de Serbie agit ainsi en enfreinte de ses obligations de la Résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité et demandant au Conseil de sécurité de prendre des mesures pour garantir que la Serbie s'acquitte de ses obligations présumées du Statut du Mécanisme et de la Résolution 1966.

L'essentiel de l'argumentation du Président du Mécanisme est que la République de Serbie a l'obligation de priver de liberté et d’extrader au Mécanisme ses citoyens accusés d'outrage au tribunal, quelle que soit la nature des accusations, les circonstances dans lesquelles une telle ordonnance a été rendue et les conséquences qui peuvent découler de sa mise en œuvre.

Il s'agit ici d'accusations qui ne concernent pas de violations graves du droit international humanitaire et qui sont liées à l'affaire par devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, qui a pris fin en 2018 (affaire Vojislav Šešelj), en première instance par l'acquittement de l'accusé et sur l’appel du Procureur par un verdict prononçant l'accusé coupable et le condamnant à 10 ans, couvrant le temps qu'il a passé dans le quartier pénitentiaire de l'ONU.

Le juge Agius avance que la Serbie passe outre ses obligations de la Résolution 1966 (2010). Bien au contraire, la République de Serbie prend au sérieux ses obligations de la coopération avec le Mécanisme. Après l'émission d'un mandat d'arrêt et la remise au Mécanisme de deux inculpés pour outrage au tribunal, la Haute Cour de Belgrade a établi que les conditions préalables à leur arrestation et à leur remise au Mécanisme n'avaient pas été remplies. La décision est fondée sur les règles du droit international et du droit national de la République de Serbie et elle est contractante pour les détenteurs du pouvoir exécutif en République de Serbie.

Je voudrais rappeler ici que la première décision individuelle du juge (Aydin Sefa Akay du 12 juin 2018) qui a agi dans cette affaire, a été de transmettre la poursuite pénale de V. Radeta et de P. Jojić pour le présumé outrage au tribunal aux autorités judiciaires de la République de Serbie. Dans les procédures suivantes, pour la première fois l'argument a été avancé de la prétendue réticence des témoins à coopérer avec les autorités judiciaires de la République de Serbie, qui n'a été étayé par aucun argument et sur lequel la décision de refuser le transfert de l'affaire aux autorités judiciaires de la République de Serbie a été basée.

La République de Serbie s'est déclarée prête à plusieurs reprises à prendre en charge la conduite du procès contre Petar Jojić et Vjerica Radeta et a fourni des garanties pertinentes. La République de Serbie reconnaît et accepte également pleinement l'obligation du Mécanisme de surveiller les procès déférés aux tribunaux nationaux avec l'aide d'organisations internationales et régionales, ainsi que de prendre les mesures prévues à l'art. 6 du Statut du Mécanisme.

A ce stade, je voudrais vous rappeler que la République de Serbie a remis au tribunal toutes les personnes accusées par le parquet, dont les plus hauts responsables politiques, militaires et policiers, a assuré la présence d'un grand nombre de témoins, a remis une énorme documentation. Il est de l'obligation du Mécanisme, selon la résolution de ce Conseil de sécurité, de prendre des mesures qui permettent de renvoyer les affaires devant la justice nationale. Dans la pratique antérieure, 13 cas étaient renvoyés en Bosnie-Herzégovine, 2 en Croatie et un seul en Serbie.

A la fin, mais non moins important, je voudrais rappeler à tous ici le fait que la France - bien évidemment, en tant qu'État souverain et indépendant - a rejeté la demande d'arrestation et d'extradition de Florence Hartmann pour publication de documents et outrage au tribunal, avec l'explication qu'elle n'extrade pas ses citoyens. Pour une infraction mineure, vous nous demandez d'extrader nos citoyens Jojić et Radeta, faisant preuve de méfiance à la fois envers la justice et les tribunaux serbes et envers l'État de Serbie, ainsi que le fait que la règle de la Rome ancienne s'applique toujours - quod licet Iovi non licet bovi - ce qui est permis à Jupiter n’est pas permis à un bœuf.

Il y a lieu de mentionner que les officiers et les politiques de rang supérieur n'ont pas été jugés pour des crimes à l’encontre des Serbes et que les crimes commis contre les Serbes sont restés impunis devant le TPIY et le Mécanisme. Rappelons, à titre d’exemple, que le cas d'Ademi et Norac pour des crimes horribles contre la population civile serbe à Medački Džep a été cédé aux institutions judiciaires croates. Les crimes démontrés contre les Serbes, tels les crimes de Ramush Haradinaj, Naser Orić, Ante Gotovina et d'autres accusés de l'opération militaire Oluja, qui a conduit au nettoyage ethnique complet de la population serbe d'une grande partie de la Croatie actuelle, ont abouti à des acquittements devant le TPIY. Bon nombre de crimes horribles contre la population civile de nationalité serbe perpétrés dans le territoire de la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la province autonome du Kosovo et Metohija, qui ont résulté du nettoyage ethnique de la population serbe, n'intéressaient tout simplement pas le Parquet du TPIY.

Ce qui est très important et pour ne laisser d’inexpliqué, c'est que la Serbie est un pays qui condamne tous les crimes et tous les criminels qui les ont commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Toutefois, il est intéressant de noter que, malgré les critiques, la Serbie est la seule qui parle ouvertement et condamne les crimes commis par les membres de la nationalité serbe, tandis que d'autres pays de la région ne parlent pas du tout des crimes commis par les représentants de ces peuples contre le peuple serbe. Et je tiens à souligner une fois de plus devant vous que la Serbie condamne le crime terrible de Srebrenica et exprime ses plus sincères condoléances aux familles des victimes de ce massacre. Et il n'y a aucun "mais" à cet égard.

Nous sommes tout de même ici pour analyser les résultats et la politique pénale du TPIY et du Mécanisme, et elle était telle qu'elle n'a jamais gagné la confiance du peuple serbe, où qu'il vive. Et non pas parce que nous les Serbes nous ne reconnaissons pas les crimes commis par certains de nos compatriotes, mais parce que le Tribunal de La Haye, à quelques exceptions près, n'a jugé que des Serbes dans les trois territoires de l'ex-Yougoslavie: la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo et Metohija, que certains des États membres du Conseil de sécurité voient et appellent, certes, contrairement au droit, aux normes juridiques et aux résolutions des Nations Unies, comme un Etat indépendant. Je vais essayer de vous prouver plastiquement comment la justice de La Haye est recoupée, même si je sais que ceci ne sera pas approuvé par beaucoup d'entre vous, mais pour moi c'est important à cause de l'histoire, des faits et des manuels qui seront écrits en vertu des faits.

Or, les Serbes ont été condamnés à un total de 1138 ans de prison et à 8 peines d'emprisonnement à perpétuité. En même temps, le Tribunal de La Haye n'a condamné aucun Croate pour crimes contre les Serbes, ni dans les actions à Medački Džep, ni dans «Bljesak» ou «Oluja», comme cela a été fait d’une manière politiquement astucieuse au Tribunal, et tout a été emballé dans la forme de droit et de justice. Les procureurs du Tribunal de La Haye ont délibérément élu trois dirigeants politiques et militaires des Croates,  des musulmans de Bosnie et des Albanais dans tous les trois territoires mentionnés, qui ont commis des crimes contre les Serbes - Ante Gotovina, Naser Orić et Ramush Haradinaj. Il est intéressant que, suivant le même schéma, donc le même schéma, cette injustice est divisée. En effet, tous ont été condamnés en première instance, à l'exception de Ramush Haradinaj, car aucun témoin n'a survécu. Gotovina a été condamné à 24 ans de prison dans la procédure de première instance, tandis que par un tour de magie de la décision de la chambre de deuxième instance et le vote de juges 3:2, le verdict a été changé en acquittement. Naser Orić, pour crimes contre les Serbes, a également été condamné par le verdict de première instance, mais, par un tour de magie du tribunal de deuxième instance et à nouveau par le vote des juges 3:2, la décision était un acquittement et il a été libéré de toute responsabilité. Permettez-moi de le répéter, tous les témoins dans l'affaire contre Ramush Haradinaj se sont suicidés ou ont été tués dans des circonstances très, très étranges.

Permettez-moi de conclure: je ne veux pas croire que quelqu'un veuille dire qu'il n'y a pas eu de crimes contre les Serbes, mais, à en juger par les verdicts du Tribunal de La Haye, personne - absolument personne - n'est responsable de ces crimes.

Néanmoins, nous, en Serbie, nous ferons preuve de responsabilité et lutterons pour la paix, la stabilité et la réconciliation dans la région.

Nous demandons aux États membres du Conseil de sécurité des Nations Unies de nous aider avec une approche rationnelle et pragmatique et le respect du droit international, et non pas avec les tentatives d'humilier davantage la Serbie. La Serbie est un petit pays, avec un peuple fier et brave, qui a fait les plus grands sacrifices pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale, un peuple qui veut vivre en paix avec ses voisins. Et quand je vous demande ça, je pense que je n'en demande pas trop.

Après tout, la Serbie est le pays qui connaît la plus forte croissance dans la région des Balkans occidentaux et nous ne pouvons progresser si les relations avec nos voisins, amis et autres pays ne sont pas bonnes, stables et meilleures. Par conséquent, malgré la justice sélective qui a été appliquée au Tribunal de La Haye, nous serons ouverts à tout dialogue, à tout type de coopération, et nous regardons vers l'avenir, et non pas vers le passé.

Et je n'ai qu'un seul message aux citoyens de la Serbie et les citoyens de nationalité serbe dans toute la région – tenez la tête haute, ni la Serbie ni le peuple serbe ne sont condamnés pour quoi que ce soit et il revient à nous de travailler encore plus dur, d'ouvrir les usines et de lutter pour nos enfants et notre avenir.

Vive la Serbie!

 

 

Source : www.predsednik.rs/

Photo : Dimitrije Gol