Janković: «Oluja» est un génocide

04. aoû 2021.
L'action de l'armée croate «Oluja» (Tempête) en 1995 est un rappel horrible des souffrances du peuple serbe au 20e siècle et un avertissement tragique que les leçons historiques doivent être maîtrisées avec plus de prudence et de sagesse, a déclaré l'ambassadeur de la République de Serbie en Allemagne Snežana Janković.

Dans une interview accordée à Vesti de Francfort, à l'occasion du Jour du souvenir des Serbes tués et expulsés lors de l'opération «Oluja», Janković a souligné que les crimes commis contre les Serbes à la fin du 20e siècle sont parmi les plus graves contre une nation et ne peuvent être observés hors du contexte des souffrances et du génocide commis contre le peuple serbe dans la Seconde Guerre mondiale.

-L'incarnation de cette machine du mal, difficile à imaginer pour l'esprit humain, de l'époque du NDH nazi est le camp de concentration de Jasenovac, dont l'atroce histoire est encore sous un voile de silence et fait l'objet d’un révisionisme sans vergogne. Oluja est un rappel horrible de toutes les souffrances antérieures du peuple serbe et un avertissement tragique que les leçons historiques doivent être apprises avec plus de prudence et de sagesse, a souligné Janković.

Elle a rappelé que lors de l'action des forces armées croates le 4 août 1995, plus de 220.000 Serbes ont été expulsés, tandis que 1.872 de nos compatriotes se trouvent sur la liste des morts et des portés disparus.

Selon elle, le peuple serbe perçoit à juste titre comme une grande injustice et hypocrisie que les crimes contre les Serbes dans Oluja et des actions similaires ne soient pas du tout évoqués ou dans une bien moindre mesure que les victimes d'autres peuples de notre région.

De ce fait, dit-elle, il revient à nous de les garder en mémoire et de témoigner de leurs souffrances.

Interrogée si l'utilisation du terme "pogrom" ou "nettoyage ethnique" relevait du vocabulaire diplomatique, Janković  a répondu qu'il n'y a pas de terme juste ou de mot juste dans un dictionnaire pour la haine qui a conduit à ces crimes, ni pour l'étendue de la souffrance et du deuil de ceux qui ont perdu leurs êtres chers de la manière la plus atroce ou de ceux qui ont été expulsés de leurs foyers séculaires.

Elle a rappelé que Oluja dans l'acte d'accusation de La Haye contre les généraux croates Ante Gotovina, Ivan Čermak et Mladen Markač était qualifiée d'entreprise criminelle commune dans le but d'expulser définitivement et de force la plupart des Serbes de l'ancienne République serbe de Krajina.

-Personne parmi les dirigeants militaires et politiques croates n'a été tenu responsable en justice et n'a été condamné, a-t-elle souligné.

Contrairement à une telle justice, le tableau démographique du peuple serbe en Croatie montre que, selon le recensement de 1991, il y avait 582.663 Serbes vivant en République de Croatie, alors que selon le recensement de 2011, il y en avait 183.633, a ajouté l'ambassadeur. 

-Après la guerre civile et l'exode massif, le nombre de Serbes a baissé des deux tiers. Il s'agit donc du plus grand nettoyage ethnique après la Seconde Guerre mondiale et d'un pogrom aux proportions les plus terribles, où femmes, hommes, enfants et vieillards confondus ont trouvé mort, avec l'effacement systématique de tout ce qui portait la marque serbe, a déclaré Janković.

Sur constatation que la Serbie marque aujourd'hui le Jour du souvenir et la Croatie fêtera demain, et la question de savoir si cette image peut changer et comment, elle a dit que la Serbie et la République Srpska célébraient cette Journée ensemble depuis 2014 et que il est incompréhensible de glorifier et de fêter Oluja, ainsi que la présence de représentants de la communauté internationale et du corps diplomatique à de telles «festivités», car ils participent ainsi à la festivité du nettoyage ethnique.

-Cette image pourra changer lorsque tout le monde aura été prêt à témoigner de la révérence pour les victimes serbes, celle qu’ils attendent pour les victimes d'autres nations, a souligné Janković.

Elle a également indiqué que l'amélioration de la situation des Serbes qui sont restés en Croatie, et qui sont trop souvent exposés à la discrimination et au déni des droits fondamentaux à leur propre langue, leur culture et, surtout, une vie sûre et digne, serait un signe d’un sincère souhait de surmonter l'héritage du passé et un souhait de réconciliation.

 - Même à défaut, la Serbie mène non seulement une politique responsable axée sur la réconciliation et la coopération de bon voisinage dans la région, mais est également un leader dans la création d'un climat favorable et le renforcement des liens et de la confiance, afin d’améliorer l'image de la région ébranlée par la guerre, les dissensions et la haine, a déclaré l'ambassadeur.

En ce qui concerne le Kosovo et Metohija, Janković a souligné qu’aboutir à une solution durable et soutenable pour ce problème est un sujet de plus grand intérêt non seulement pour notre pays, mais aussi pour préserver la paix et la stabilité dans toute la région.

Elle a ajouté que la Serbie et ses dirigeants ont montré à chaque occasion être toujours prêts pour les pourparlers, ce qui est une autre confirmation de la politique responsable que nous menons et pour laquelle nous sommes félicités.

La dynamique et l'ambiance actuelles du dialogue toutefois ne sont pas encourageantes et sont un indicateur d'immaturité et de réticence à faire de quelconques concessions des dirigeants politiques de Priština, a relevé Janković, ajoutant que l'approche non constructive de Priština réduit l'espace pour la recherche du compromis, les partenaires européens s’en rendent compte aussi.

Janković dit que malgré tout, la Serbie reste vouée au dialogue avec Priština, mais insiste sur le fait que ce qui a été convenu doit être mis en œuvre.

Parlant du Processus de Berlin, elle a dit qu'il s'agissait d'un format important et utile de coopération régionale, qui a apporté et apporte des avantages concrets, telle la suppression de l'itinérance dans les Balkans occidentaux à partir du 1er juillet, la consolidation de la coopération des jeunes, mais elle a indiqué que ceci n'est pas et ne doit pas être considérée comme un substitut à une adhésion à part entière à l'UE.

 

- Bien au contraire, nous pourrions dire que c'est une sorte de préparation de la région à l'adhésion, a constaté l'ambassadeur et a ajouté que l'adhésion à l'UE est l'une des priorités clés de la politique étrangère et l'objectif stratégique de la Serbie.

L'arrêt actuel de la politique d'élargissement, elle en est convaincue, n'affectera pas nos efforts de réformes, car la Serbie est sur la voie européenne et en raison du pouvoir de transformation du processus de négociation - notre objectif est de permettre une vie meilleure à nos citoyens et d'être un pays prospère et attrayant, pour garder nos jeunes et leur fournir un état ordonné, dans lequel ils ont la possibilité de réaliser leurs potentiels.

Pour ce qui est du projet «Les Balkans ouverts» et sur la question comment l'Allemagne voit l'initiative du président serbe, Janković a dit que l'initiative témoignait de la meilleure façon que, suivant les acquis et les valeurs de l'Union européenne, nous sommes à même de façonner notre propre avenir. 

Il est naturel, ajoute-t-elle, que personne ne connaisse mieux que nous les problèmes et les besoins de la région, précisant espérer que toute la région, encouragée par des bénéfices concrets, exprimera sa volonté d’y adhérer.

-La Serbie considère l'initiative «Les Balkans ouverts» comme complémentaire à des projets similaires, tels que ceux du Processus de Berlin, auxquels l'Allemagne tient beaucoup et qui devraient mieux connecter les pays Parties, profiter de toutes leurs capacités de développement, accroître l'attractivité des investissements étrangers et améliorer le niveau de vie de nos citoyens, afin que nous soyons plus prêts à atteindre l’objectif commun, qui est d’adhérer à l'UE », a expliqué Janković.

A propos de la coopération économique entre la Serbie et l'Allemagne, elle a rappelé que l'Allemagne était depuis des années l'un des partenaires économiques les plus importants de la Serbie, le premier partenaire commercial extérieur et l'un des cinq plus grands investisseurs étrangers et donateurs bilatéraux.

Les entreprises allemandes ont investi plus de 2,53 milliards d'euros en Serbie ces dernières années.

-Il est particulièrement encourageant de voir les hommes d'affaires allemands pour la plupart satisfaits de faire des affaires en Serbie, ainsi que plus de 400 entreprises à capitaux allemands actives dans notre pays, qui emploient 70.000 travailleurs. Notre objectif, en coopération avec des institutions allemandes, est de contribuer à ce que ce nombre atteigne bientôt 100.000, a-t-elle ajouté.